Ce week-end, j’ai l’impression qu’il s’est passé quelque chose d’important.
Samedi matin, je devais me rendre au décrochage de mon expo à Ploeren. Et malgré les moments passés à rassurer mes parts inquiètes par cet événement, en répétant plusieurs fois le déroulé de la journée, en écoutant et tentant de rassurer les différentes inquiétudes, j’ai, comme je me doutais, passé une nuit qui m’a semblé blanche…
Peut-être parce que je l’avais prévu ou anticipé, cette nuit a été calme malgré le manque de sommeil. Et j’en ai profité pour me placer à côté de cette part qui semblait être la veilleuse, celle qui ne voulait pas du sommeil. Je n’ai pas essayé de lui parler, je n’ai pas essayé de rentrer en contact, juste être à côté d’elle et sentir son énergie.
Une fois le petit matin arrivé, aux environs de 6 heures, j’ai commencé un rapprochement plus conscient et plus verbal, j’ai commencé à lui parler.
J’ai senti alors cette énergie très, très, très, très, très loyale.
Une part assez hautaine, supérieure. Pas par méchanceté, mais par… par obligation. Une part… protectrice. Très dure, très, très raide, implacable, inflexible. Pas du tout méchante, mais… mais massive et… et extrêmement collée à moi.
D’ailleurs, au début, je me disais… j’ai l’impression que c’est… c’est moi que je regardais, que c’était moi qui parlais. Je n’avais jamais vraiment pris conscience de cette part.
En lui parlant, en essayant de comprendre qui elle était elle me montrait comme image : une après-midi, un dimanche après-midi… où avec… un ou deux copains de mauvaise fréquentation… on venait d’aller voir voler de l’argent… dans le tiroir… du secrétaire du père d’un copain. On y avait trouvé la réserve de billets quelques week-ends plus tôt.
C’est fiers de nos billets en poche, qu’on allait à l’épicerie acheter des… des Kinder Surprise.
Quand j’y pense, cette… cette image comme ça… lui fait froid dans le dos à cette part. C’était tellement immoral, tellement bête… voler de l’argent pour aller acheter des Kinder Surprise. C’est comme… des enfants qui veulent jouer aux grands… sans aucune valeur, sans se rendre compte de… de quoi que ce soit.
A ce moment précis j’ai pu comprendre l’attitude de certaines personnes qui ont reçu une éducation assez sauvage et qui s’engagent dans la police ou la gendarmerie. Telle ceux que j’ai vu dans le reportage sur les gendarmes des mega-bassines ou d’autres ouvriers que j’ai pu croiser qui on une sorte de loyauté sans faille pour la loi et « ce qu’il faut faire ».
Une part qui serait née pour canaliser, pour écraser une énergie un peu trop disparate et trop désordonnée. Et je me suis dit, une part qui est née pour donner une existence plus digne, qui emprunte des valeurs un peu plus hautes, mais qui a pris beaucoup de place dans ma vie. Et qui, je pense, est terrorisé de tout ce qui est un peu lâché-prise, un peu liberté, un peu tout ce qui est de l’ordre, de jouer avec les règles, d’enfreindre les règles. Terrorisé de la spontanéité, de l’amusement, je crois, aussi. Parce que c’est ça qu’elle a aussi bloqué. Même si c’était immoral, d’aller voler de l’argent, c’était quand même un sentiment de liberté, un sentiment de tout est permis, peut-être même une reprise de pouvoir.
Et j’ai fait un lien ce matin-là. Je ne sais pas s’il est… très solide. Néanmoins, il me paraissait cohérent. Il me semblait que c’était chaque fois avant un événement artistique que l’insomnie me touchait. Et effectivement, on peut dire que l’artistique est là où la liberté, la joie, la fronderie, de l’adolescent, la jeunesse, s’exprime le plus. Et effectivement, si cette part avait comme mission de freiner ses élans, c’est effectivement avant ces événements qu’elle devait être le plus en alerte, le plus inquiète, parce qu’une grosse part de moi veut aller dans cette direction.
Je me suis senti, à ce moment-là, au centre de deux directions massives que veulent prendre de deux oppositions massives au centre d’une polarisation énorme une polarisation centrale, une polarisation existentielle que je vis depuis des années et des années composée d’un côté de d’un ensemble de parts qui cherchent la liberté l’expression, la joie, l’élan l’insouciance l’expression la dénonciation, la la toute ces qualités qui sont reliées à à l’enfance, à l’adolescence et à l’expression artistique et d’un autre côté issu d’une éducation très classique d’un héritage très très classique une force qui cherche vraiment à me à me rendre discret poli polissé éduqué élevé dans le rang social avec des valeurs et cette polarisation est est ultra puissante en moi et jusqu’il y a deux jours relativement inconsciente et je revois passer dans ma vie toutes ces périodes où j’allais soit massivement dans un sens soit massivement dans l’autre comme si durant toutes ces années il n’était pas possible de les concilier soit j’étais dans une expression artistique très libre, trop libre et qui à un moment me faisait peur je retournais dans des choses comme le code des choses très très normées très rassurantes parce que très cadrées très intellectuelles.
Pendant quelques courts instants, je me posais entre ces deux parts, les comprenant toutes les deux, les aimant toutes les deux, et j’ai même eu l’impression qu’à un moment j’ai réussi à faire en sorte que l’espace d’un instant, elles se comprennent l’un l’autre, l’une l’autre. D’ailleurs c’était étonnant parce que mon cerveau m’a envoyé une image que j’ai mis du temps à comprendre. Cette image représentait une route, un tournant, un virage, un double virage, qui se situait devant la piscine de Brenlaleu. Je me disais, tiens, il a dû se passer quelque chose à ce lieu que je vais découvrir. Mais peu de temps après, j’ai eu comme une révélation. Parce que ce lieu était un lieu de croisement. C’est la route que j’empruntais avec le bus de l’école primaire pour aller à la piscine municipale. C’est la route que j’empruntais avec mes parents pour aller à cette piscine. C’est la route aussi que j’empruntais avec mes parents pour aller voir mon oncle, qui habitait juste à côté. Et enfin c’était l’endroit exact où se trouvait ce fameux arrêt de bus que je prénommais la grille. Cet arrêt de bus que j’ai vécu des années au collège dans beaucoup de souffrance. Et je me suis dit, tiens, ce lieu est comme représentant de plusieurs couches de mon existence. L’enfance à l’école, l’enfance en famille et enfin l’adolescence. Et ça me parlait parce que j’avais l’impression d’être entre ces deux parts, vraiment dans un carrefour où plusieurs générations de ma vie s’entrecoupaient, se rejoignaient. Je fais une petite pause ici et je raconte la suite plus tard.