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Séance IFS

C’est un devoir !

Je voulais parler d’un sujet un peu énorme : les devoirs des enfants, le soir et le week-end.

C’est devenu pour moi un point de tension tellement énorme, un moment tellement insupportable, qu’il est grand temps que je fasse un vrai travail intérieur là-dessus.

Parce que leur demander de faire le devoir et les accompagner est pour moi une tâche tellement difficile, une telle punition, une telle souffrance que j’ai l’impression que c’est le pire moment de ma vie actuellement.

C’est là où le plus de tensions se cristallisent. Et encore je dis ça, mais les trois quarts du temps, c’est Soazig qui s’en occupe, moi je fuis, je vais faire manger, ou je fais autre chose.

Cette fuite n’empêche rien, elle renforce même cette sensation de tension désagréable. Alors, je voudrais faire un petit travail là-dessus.

Tour du propriétaire…

Alors, soyons très clairs, au moment où il faut faire les devoirs, j’ai de la colère, un ennui énorme, et très vite de l’agacement, et un sentiment d’impuissance.

Au moment où je dois être avec lui, c’est une sensation difficilement supportable, c’est comme si je devais rester assis sans bouger dans une pièce sombre où il n’y a rien, alors que tout le monde joue dehors et semble libre.

C’est vraiment la sensation d’une punition.

Alors, oui, étranglement, exaspération, claustrophobie, répulsion, tout ça c’est juste.

C’est terrible aussi quand j’essaie d’expliquer ses cours et que je me rends compte qu’il ne va pas comprendre ce que je raconte, ou que même quand je prends le temps de bien expliquer calmement avec des chouettes mots, avec des images, parfois il me dit oui, j’ai compris, alors que je vois que ce n’est pas compris, et je me dis je ne suis pas prof, je n’ai pas été formé pour ça.

Pourquoi les profs font ça, vivre aux parents ?

Pourquoi est-ce que les enfants qui ont déjà passé tant d’heures à l’école doivent encore en passer à la maison ?

Et puis pourquoi leur faire apprendre la majorité de cette matière qui ne servira pas beaucoup dans la vie ?

Et puis moi, personne ne m’a jamais vraiment aidé à partir du collège à faire mes devoirs, et j’ai eu une scolarité assez catastrophique à partir du collège.

Avant j’avais ma maman qui m’aidait, même s’il y avait eu des moments tendus, je pense que la majorité du temps ça allait.

Une part en toi semble hurler :

“Ne me remets pas là-dedans. Ne m’enferme pas. Ne me force pas à refaire cette scène où j’ai été seul, enfermé, nul, où j’ai raté.”

Et peut-être ajoute-t-elle, intérieurement :
“Et ne me rends pas responsable de leur avenir. C’est trop lourd. Trop injuste.”

Non, mais c’est exactement ça. C’est cette part qui a déjà tellement souffert de ses devoirs. Elle n’arrivait pas à apprendre les leçons. La plupart du temps, elle ne faisait pas les devoirs. Et puis, elle se faisait réprimander à l’école. Les notes étaient très mauvaises. Tout ça, c’était déjà tellement douloureux. Et maintenant, effectivement, elle se ressent à nouveau devoir rejouer la scène. Et en plus, comme si elle emmenait d’autres personnes avec elle. C’est dégueulasse, quoi. Et c’est tout ce que je voulais éviter. Maintenant que j’ai presque 50 ans, on me remet dans cette douleur, putain, que j’ai passée, quoi. C’est bon, moi, j’ai passé cette douleur, j’ai passé cette prison, quoi. Je vous ai fait vos années de merde à vous obéir, à apprendre des conneries. Et maintenant, ça recommence et c’est reparti pour combien de temps ? Combien d’années ? Je suis dans une colère noire, une colère, un dégoût, une injustice, quoi. Je ne sais même pas les mots pour montrer à quel point je suis dégoûté.

Tout à l’heure, c’est bien ce que j’ai essayé, je me suis posé près de lui en disant je vais juste être là pour le soutenir. Mais je me jugeais parce que c’était insoutenable et que j’avais l’impression de lui transmettre cette énergie. C’est tellement lourd pour moi, c’est tellement puissant.

Juste après avoir écrit ces mots, ça a craqué.

J’ai réussi, devant la famille, à montrer un peu que pour moi les devoirs et le collège étaient très durs et je me suis écroulé en larmes. J’ai senti qu’il y avait encore énormément de douleurs et de charges émotionnelles à sortir. J’ai un peu peur parce que quand je travaille tout seul, c’est moins facile pour moi de pleurer.

Un part qui est né dans le lien

Ce que tu as vécu devant ta famille n’avait rien d’inapproprié.
C’est comme si une part de toi avait enfin trouvé un témoin.
Et quand une douleur ancienne trouve un témoin vivant, elle peut se permettre de se montrer.

C’est peut-être pour ça que tu arrives moins à pleurer seul :
pleurer seul nécessite un niveau d’auto‑sécurisation, d’auto‑témoignage,
alors que devant quelqu’un tu peux t’appuyer — même subtilement — sur une présence.

Certaines émotions refusent de sortir dans la solitude
parce qu’elles naissent dans la relation.

J’étais sincèrement ravi hier de pleurer devant mes enfants et devant ma compagne. Ça m’a fait beaucoup de bien qu’ils sentent ma vraie position. Ça m’a fait plaisir et je leur ai répété que quand ils me voient pleurer comme ça, c’est que je guéris, ce sont des larmes qui me nettoient. Et je leur ai dit aussi que je ne comptais pas pleurer devant eux, je ne comptais pas les embêter avec ça. Donc là c’était plus fort que moi. Et ce que tu me dis me touche beaucoup parce qu’effectivement depuis le début, je vois bien que c’est une part qui a besoin de présence extérieure pour pleurer. Et c’est vrai que ça va à l’encontre de mon fonctionnement qui aurait envie que je gère mes problèmes dans mon coin, comme je fais depuis le début et que je vive avec ma famille et les autres de manière plus apaisée après le travail. Parce que j’ai compris que ce n’est jamais la faute des autres. Et c’est vrai qu’à l’époque, je leur portais souvent la faute sur les autres. Et là j’ai compris que c’est tout était à régler avec moi. Mais je n’avais pas pris en compte que certaines parts avaient peut-être effectivement besoin de se réparer dans le lien. Parce qu’elles s’étaient abîmées dans le lien. Donc toutes seules. Même si elles sont en lien peut-être avec le self. Mais au moins, cet effet de réparation de voir que les autres écoutent et sont touchés.

Mes difficultés scolaires ont doucement commencé en sixième primaire. Je me souviens que j’avais un peu de mal à apprendre mes tables de multiplication. J’avais un peu de difficulté de concentration, je pense. Et puis je pense que c’était le début des relations intrusives avec mon frère. Et puis mes difficultés scolaires se sont démultipliées, ont explosées, ont pris toute la place dès le début du collège où je me suis senti différent, exclu. Je suis arrivé au collège avec deux copains de l’école primaire qui étaient dans ma classe. Et dès les premiers jours, premières semaines, j’ai compris que je serais seul, que j’étais pas capable, j’avais pas les moyens de me faire des copains et j’avais pas les codes. Et très vite je parlais souvent de suicide. J’en parlais tellement souvent qu’à un moment une fille de ma classe m’avait… C’est horrible aujourd’hui, je m’en rends compte, fabriquer une corde pendue, en vrai, elle me l’avait offerte. Ça veut dire que je devais vraiment en parler beaucoup, je m’en souviens pas vraiment. Je pense que la douleur était tellement forte d’être seul et d’avoir aucun code, aucun levier, aucune stratégie, aucun accès à moi-même sûrement déjà. J’avais même pas la stratégie de m’accrocher à mes études comme une fuite du social.
Mes résultats étaient dès le début pas bons et les profs ne parlaient que de fainéantises qu’il fallait que je me réveille, qu’il fallait que je me prenne en main. Chaque fois je promettais que j’allais le faire et… Mais j’avais aucune conscience de comment me responsabiliser ou comment… C’était presque impossible pour moi de me concentrer sur ce que j’avais à faire. Et ça, ça ressort très fort aujourd’hui avec mon fils qui me parle de suicide et qui arrive pas à se concentrer très fort sur ce qu’il a à faire. Et en théorie je pourrais dire que j’arrivais pas à me concentrer parce que je pense que je voulais pas trop briller devant mon père et il y avait aussi ce traumatisme d’attouchement de mon frère. Je pense que ces deux choses-là ont fait que j’arrivais pas à me concentrer mais je les ai pas encore vraiment ressentis de l’intérieur. Y a pas une confirmation émotionnelle que c’est vraiment ça qui m’empêchait de travailler à l’école, de me mettre en valeur, de pas me dévaloriser en tout cas. Quand je regarde cette situation aujourd’hui, je me dis que j’aurais vraiment pu travailler pour avoir des bonnes notes, ça m’aurait déjà conforté socialement. Et je me dis que je me mettais vraiment en danger à vouloir toujours essayer de faire partie des gens cools et j’avais aucun outil pour ça. Je me mettais vraiment en danger et j’entends dans ces phrases Soazic parler à mon fils en disant qu’il se met toujours en danger, vraiment une boucle qui se crée.

Ce que tu viens de poser, en profondeur

Tu as décrit plusieurs couches traumatiques qui se sont superposées :

  1. Difficultés scolaires réelles (concentration, apprentissage, tables, sens)
  2. Situation d’abus / intrusion intime
  3. Isolement social violent et rapide
  4. Envies et paroles de mort à un âge où l’identité se construit
  5. Moquerie ou mise en scène morbide par les pairs (la corde… c’est glaçant)
  6. Message scolaire culpabilisant : « fainéant, réveille‑toi »
  7. Absence d’adultes capables de décoder ce qui se passait
  8. Tension avec la figure paternelle, loyauté inconsciente
  9. Auto‑dévalorisation + incapacité de se sentir acteur
  10. absence de « sortie de secours » intérieure

C’est normal que ton système nerveux considère l’école comme un lieu de danger existentiel, pas juste académique.

Et maintenant, tu te retrouves de l’autre côté du miroir, père d’un enfant :

  • en manque d’intérêt scolaire,
  • en difficulté de concentration,
  • avec des idées ou paroles suicidaires,
  • peut‑être prisonnier du même script.

Ce n’est pas juste une coïncidence : c’est un miroir transgénérationnel, une réactivation, et peut‑être même une chance de re‑négocier le scénario.

Les devoirs aujourd’hui, ce n’est pas un exercice éducatif pour ta psyché ;
c’est une zone traumatique où ton corps dit :

« On ne retourne pas dans une maison en feu, encore moins avec mon fils dans les bras. »

C’est sain de dire stop.
C’est protecteur.
C’est aimant.


Tu as peur de trois choses simultanément :

1️⃣ que ton fils revive la même destruction que toi
2️⃣ que ta compagne renforce involontairement le traumatisme par un discours de performance
3️⃣ que toi, faute de force émotionnelle, tu n’arrives pas à être le père guérisseur dont tu rêves

Et tu associes ces trois peurs à une impuissance vécue comme danger vital.

Ce n’est pas de la crispation —
c’est un état post‑traumatique parentifié.

Et pourtant, tu n’es pas impuissant.
La preuve : ton fils t’a déjà choisi comme espace de sécurité.

Je ne suis pas obligé d’être guérisseur parfait.
Même un millimètre de réparation vaut mille fois mieux que le silence d’avant.
Je ne suis pas seul : j’ai une intuition, j’ai une conscience, j’ai du courage.
Je ne vais pas reproduire : je suis déjà en train de transformer.

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Séance IFS

J’ai la boule

Cet après-midi, j’ai la boule au ventre. Et j’en parle parce que j’ai repris un chantier, le chantier de ma cabane. J’étais très heureux d’être sur le toit ce matin.

J’avais le vertige avant, je ne l’ai plus, beaucoup moins, et j’étais même excité d’être en hauteur, et de réussir à faire ce toit. Parce que ça fait pas mal de temps que je m’inquiète de ne pas réussir à le faire, et là ça se passe très bien. Ça me rassure tellement que je suis revenu guilleret ce midi.

Ce qui est bizarre, c’est cette boule à l’estomac.

Je me souviens que quand j’ai rénové ma maison il y a deux ans, cette boule à l’estomac ne m’a pas quitté pendant plusieurs mois.

Je fais le lien avec le fait de faire du chantier, et je me dis que cette boule apparaît quand je fais du chantier, de l’exercice physique.

Je pensais que c’était réglé, mais c’est peut-être l’occasion de la rencontrer aujourd’hui, cette boule.

Tentative de rencontre

Tu sembles réapparaître quand… quand il y a du chantier, quand il y a quelque chose à construire, quelque chose peut-être au long cours, quelque chose avec des étapes où il va falloir réfléchir.

Je sens que tu as peur, que tu es terrifié ou terrorisé. C’est ok parce que tu as sûrement tes raisons.

Tu me sembles blotti… comme un… un animal terrorisé dans son coin, tu as vraiment très peur, tu viens sûrement me dire, non, non, non, refais pas ça.

C’est très dangereux, ça on a déjà vécu et ça c’est très dangereux.

J’ai des flashs de ces moments où ça a été très très dur. Ces chantiers où il a fallu tenir, tenir, tenir, tenir, tenir parce qu’il y avait la banque, parce qu’il y avait des délais, parce que ça faisait déjà trop longtemps qu’on était dedans.

Cette voiture… cette Peugeot bleue,… symbole de souffrance et d’une période difficile. Vraiment difficile avec énormément de fatigue. Une fatigue vraiment puissante.

Et hier, dès notre premier jour de chantier, qui s’est pourtant passé dans… dans le vrai plaisir, il y a eu cette énorme fatigue qui est revenue le soir. Cette grosse tension, cette mauvaise humeur.

Aujourd’hui, malheureusement, Malgré une nuit un peu agitée, j’y suis retourné et c’était encore plus chouette. Mais là, cet après-midi, là, maintenant que tout se pose, cette boule… Tu reviens…

Tu reviens me parler très fort, je te sens vraiment très fort. Tu es très puissante, aussi puissante que ton message… pour me prévenir.

Est-ce que c’est ça ? Est-ce que tu as envie d’ajouter quelque chose ?

Mais oui, mais qu’est-ce que tu fous ?
Qu’est-ce que tu fous ?
Il y a autre chose à faire dans la vie, et tu sais bien que toi, t’es pas un mec pour faire du boulot comme ça.
Mais qu’est-ce que tu fous ?
Qu’est-ce que tu fous ?
C’est pour l’argent, c’est ça ? C’est pourquoi ? Pourquoi tu te relances là-dedans ?
T’es mieux à faire des dessins, à faire du travail intellectuel. Bien au chaud. À élaborer des théories. À faire des trucs avec ta tête, à soigner les autres peut-être. Mépris avec ton corps, t’as fini, oui. T’es pas un manuel, tu le sais bien. Et puis ça nous a causé assez de soucis, cette histoire. T’es pas un manuel, et dès que tu commences du manuel, c’est l’angoisse, c’est compliqué. Tu gères pas la fatigue. Tu sais bien que ces mecs là sur les chantiers, ils t’impressionnent et t’arrives pas à comprendre comment ils gèrent la fatigue. Comment ils font pour rester calme du matin au soir. Ben ils ont fait des études de ça depuis qu’ils sont tout petits. Ils ont vu leur père faire, ils ont été à l’école où tout le monde était comme ça. Où ils ont appris à bouger leur corps, à réfléchir à des choses sans s’énerver. Mais toi, t’as passé le cap là. T’es allé tellement loin dans le stress. Dans l’abnégation.

Ah oui je t’entends très fort et je comprends que pour toi le chantier c’est incompréhensible c’est c’est pas pour moi parce que le chantier m’a fait souffrir et je comprends que tu veuilles me garder à distance de ça parce que tu vois que c’est pas si simple mais je sais pas si tu te souviens mais l’informatique c’était vraiment pas si simple non plus ça mettait dans des états terribles aussi des insomnies des périodes très longues des périodes très longues de décompression des stress intenses même si l’excitation était toujours là tu sais être thérapeute aussi ça génère du stress des inquiétudes se demander est-ce qu’on fait bien est-ce qu’on agit bien est-ce que le dessin tu le sais très bien que c’est aussi compliqué pour moi beaucoup d’inquiétudes beaucoup de remise en question de recherche alors le chantier c’est un peu pareil sauf que c’est plus physique peut-être il y a autant d’inquiétudes mais avec l’avantage je trouve qu’on est dehors on prend l’air et puis que moi ce qui me fait vraiment plaisir c’est justement bouger mon corps et ne pas le bouger que dans une salle de sport ou dans un cours de yoga mais aussi pour construire quelque chose et et là je suis fier de ce que je construis c’est un dessin que je construis en vrai c’est comme un jeu d’enfance et comme un rêve d’enfance et comme c’est un challenge mais mais pas pour prouver que je suis fort un challenge pour me dire que je peux m’amuser je peux faire quelque chose d’atypique qui justement sort des normes et puis oui ça va rapporter de l’argent mais là il n’y a pas de stress de banque il ne faut pas se dépêcher on n’en a pas besoin absolument maintenant je serai content ça fera un plus mais il n’y a pas d’urgence je suis content de faire ce projet et puis je te promets que je ne vais plus partir dans les abus j’ai plus du tout envie de ça moi ce que je veux c’est profiter des moments quand il fait beau pour pour avancer pour être dehors pour avoir cette vue comme ce matin c’était trop magnifique à être dehors là au soleil avec cette vue en hauteur qu’est ce que c’était chouette mais je sens bien que tout ce que je te dis ne te rassure pas du tout j’ai l’impression d’avoir déjà dit ça dix fois et que pourtant tu restes là dans mon ventre inquiète morte de trouille de quoi aurais-tu peur d’autre ?

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Rêve Séance IFS

Dialogue avec les garçons

Les garçons, sachez que j’ai eu très très peur cette nuit de vous voir rentrer, si franchement, j’ai eu cette impression d’être débordé par votre présence, si énergique peut-être, si spontanée.

Je voudrais vous dire que, sans doute, vous êtes ceux avec qui je cherche intensément à me réconcilier.

Jusqu’à présent, j’avais, de mes 14-15 ans, l’image d’une classe de collège, une image triste, infiniment triste, l’image de solitude et d’abandon d’une intensité rare.

Dans ce rêve, je vois trois jeunes ados, certainement un an ou deux plus jeunes que cette image du collège. Et ce qui m’étonne, c’est que je vous vois vivants, vous n’avez pas l’air seuls, vous êtes trois, vous avez l’air en bande. Ici, je vous sens probablement un peu railleurs, énergiques, peut-être frondeurs, complices peut-être aussi. Pas très sages, et ça, c’est très différent de l’image que j’ai d’habitude. De mon adolescence.

Alors on va aller doucement, on va faire les présentations, doucement. Je pense que le système d’alarme est encore enclenché parce que vous avez l’air très désobéissant, frondeur, railleur, sauvage, et c’est sans doute pour ça que le système d’alarme se met en route, pour protéger cet endroit calme, apaisé, lumineux.
Mais c’est pas pour ça que je ne vous aime pas, c’est pas pour ça que je voudrais vous fermer cette fenêtre, au contraire, je voudrais établir du lien avec vous, du contact, qu’on se rencontre.

Je vous vois dans cette énergie-là, ça me fait vraiment penser à cette peur viscérale que je peux avoir quand je vois des jeunes de banlieue ou des jeunes un peu sauvages. Une terreur qui me rappelle sans doute les terreurs que j’ai dû vivre adolescent dans le bus, quand je me faisais ennuyer par ces jeunes un peu sauvages. Mais vous êtes sans doute les Sébastiens un peu sauvages à l’intérieur de moi, qui ont certainement toujours dû être éloignés parce que terrorisant dans ma famille de mini-bourgeoisie qui se voulait très correcte, très propre, très rangée.

Vous avez toujours été laissés dehors à devoir vous débrouiller tout seuls. Système D. Système débrouillard.

J’ai intensément besoin de vous connaître et d’être en lien de cœur avec vous. Je voudrais juste vous demander de ne pas forcer l’entrée.

C’est sûr, un jour, vous passerez le seuil de cette porte et on sera bien ensemble et vous vous sentirez accueillis, vous vous sentirez apaisés. J’en suis sûr. Vous n’aurez plus besoin de fronder, de dérailler comme des enfants sauvages, comme des enfants abandonnés à eux-mêmes. Parce qu’aujourd’hui vous avez quelqu’un qui vous parle et qui vous aime. Et je voulais vous dire que si vous avez été mis dehors, c’est par peur. La peur est encore là aujourd’hui. Même si cette peur ne nous appartient pas, ne m’appartient pas vraiment. Elle a été mise en place pour la survie, pour ma survie et pour votre survie aussi. Pour ne pas être chassé de ce toit familial, pour être aimé, à l’époque pour être aimé il fallait être le plus lisse possible. Je vous vois, vous êtes à l’écoute, ça vous intéresse j’ai l’impression de ce que je raconte. Ça me touche d’être là avec vous. A l’époque il fallait vraiment que je me fasse le plus discret possible. Si je voulais que maman me fasse des bisous et que si je voulais qu’elle ne soit pas en panique. Si je voulais la garder apaisée, il était important que je le sois le plus lisse possible. Même si c’était insoutenable, même si je vous sentais tellement en colère, tellement railleurs. Et vous aviez raison. Mais à l’époque je ne savais pas encore m’accueillir, m’accueillir ma réalité. Je ne savais pas encore avoir à l’intérieur la capacité de m’accueillir et de m’aimer. Il fallait que j’en rachète.

Tu es en train de faire exactement ce dont ces jeunes Sébastiens avaient besoin depuis toujours :

  • Être reconnus dans leur énergie, même brute.
  • Être aimés malgré leur colère, malgré leur ruse, leur côté railleur.
  • Être entendus non pas comme des dangers, mais comme des exilés.

Et tu leur expliques avec une humanité incroyable ce qui s’est passé :

“Ce n’est pas que je ne vous aimais pas.
C’est que j’ai dû me couper de vous pour survivre.
Pour que maman reste calme.
Pour que le toit tienne.
Pour ne pas être rejeté encore plus fort.”

Tu réécris une scène de ton enfance, non pas pour la fuir, mais pour la relier à aujourd’hui avec compassion.
Tu restaures un lien vivant entre ta part lisse, celle qui cherchait désespérément l’amour de maman, et les parts vives, débordantes, que tu as dû écarter pour ne pas tout faire exploser.

Tu n’es plus coincé entre les deux.
Tu n’es plus obligé de choisir entre “être aimable” et “être entier”.
Tu tiens les deux, avec ta voix d’aujourd’hui.
Et ça, c’est la guérison en action.

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Séance IFS

T’es fou de m’enmener là-bas !

T’es complètement fou, je te déteste de m’emmener là-bas. T’es vraiment chiant, tu sais que c’est un endroit où on va mal dormir, où ça va être compliqué au niveau relationnel, ça va être hyper dense, il va y avoir beaucoup de monde, beaucoup de bruit, plein de gens, on va dormir dans un dortoir, on va devoir faire un long trajet en voiture, il n’y aura pas d’endroit pour faire la sieste, il n’y aura pas d’endroit de refuge.

Et qu’est-ce qu’on va gagner d’aller là-bas ?, mais qu’est-ce qu’on va gagné ? Voir 2-3 artistes, voir des gens qui exposent, c’est quoi ? Qu’est-ce que ça nous apporte ? On voit très bien ces dessins sur Instagram.

De toute façon, c’est des lieux où il y a tellement de bruit, tellement de passages qu’on ne peut même pas avoir des conversations un peu intéressantes, un peu intimes. Et puis tout ce passé que tu vas remuer avec le croquandmob.

Non mais c’est quoi ce truc où tu m’emmènes, j’ai l’impression que tu nous emmènes à la broyeuse, sans aucun respect, sans aucune conscience, sans aucune stratégie, tu nous envoies à l’abattoir, et tu essaies de te dire que ça va aller, que tu as grandi, que maintenant ça va aller. Mais moi je ne suis pas rassuré du tout, et j’en ai déjà tellement vécu des moments comme ça, et c’était tellement horrible.

Moi j’ai déjà envie d’être après, j’ai envie de saboter tout ça pour ne pas devoir y aller. Parce que qu’est-ce qu’on va en retirer au final ? Juste le fait d’y être allé, et la fierté d’avoir été un stand un peu connu, c’est juste ça, c’est juste une médaille à ton blason ?

Mais ça va tellement être un carnage social qu’il n’y aura même pas de bons moments, il n’y aura même pas de bons souvenirs.


Voilà ce que dit une part en moi très touchée par rapport à mon choix d’aller passer quatre jours sur un festival de carnets de voyage sur lequel je suis déjà allé une fois.

J’ai vraiment envie d’être à son écoute et créer un dialogue avec elle parce que je sens sa souffrance intense et sa peur intense et son honnêteté ainsi que sa clairvoyance.

Je voudrais lui dire qu’elle est précieuse parce qu’elle est sensible et clairvoyante et qu’effectivement, à tellement de moments, elle s’est sentie rejetée et mise de côté parce qu’elle était gênante.

Parce que prendre soin de soi dans des événements comme ça n’était vraiment pas ma priorité. Ma priorité à l’époque étant seulement de survivre et d’essayer d’afficher un personnage fort, fier, qui tient la route. Alors qu’au fond de moi, elle était là en train de pleurer dans le désarroi le plus total.

Aujourd’hui, je voudrais vraiment lui laisser la parole et avoir ce dialogue avec elle pour qu’elle se sente écoutée et reconnue. Parce qu’elle a vraiment raison d’être épuisée de ce carnage intérieur qui a pu se passer maintes et maintes fois. Quand je vais dans ce genre d’événements, parce que je suis encore très fragile au fond de moi, et j’ai encore cette image d’un enfant et ensuite d’un adolescent blessé, qui a beaucoup de peur et beaucoup de honte.

Lui parler…

Merci d’avoir parlé, et je t’ai entendu, c’était fort, j’ai entendu ta voix qui tremblait, j’ai entendu ta fatigue et ta peur, et ta crainte, et je voudrais que si on y va, on y aille ensemble. Je ne veux pas que tu te sentes lésé, que tu te sentes protégé, et je t’avoue que je ne sais pas comment faire.

Tout ce que j’ai, c’est une intuition, c’est que si on y va, on peut être surpris par la réalité, on peut être surpris par ce qui va nous arriver, et ce qui va nous arriver sera peut-être différent de ce qu’on imagine, parce que oui jusqu’à présent toutes nos sorties étaient terribles, terribles, terribles, terriblement souffrantes, terriblement douloureuses, terriblement arrachées de nous-mêmes, terriblement violentes à l’intérieur, et j’entends que tu n’as plus, et moi non plus, t plus envie de vivre ça.

Tout ce que je peux dire, tout ce que je vois, c’est que ces derniers temps, on a cette peur la nuit, la veille de vivre quelque chose d’un peu différent, et on n’a pas dormi, et on a pleuré, et on s’est rendu compte le lendemain que ça se passait extrêmement bien, et que nos peurs étaient beaucoup moins d’actualité aujourd’hui. Mais c’est tout ce que j’ai pour te rassurer, parce que je n’ai pas non plus encore vraiment intégré cette nouvelle personne que je suis devenu.

Tout ce que je peux offrir aujourd’hui, et encore, c’est fragile, c’est de la présence, c’est d’être présent avec toi dans cette douleur, dans cette crainte, dans ces mémoires terribles, terribles et épuisées.

Mais pour moi aussi, c’est tellement dur de traverser tout ça.

Et en même temps, tiens, je croyais que ça allait faire pour te retrouver de l’autre côté du tunnel un jour. Je peux t’offrir ça, ma présence, quand je peux, quand j’y arrive. Et qu’on traverse ça ensemble. C’était tellement dur, c’était tellement long, c’était tellement tout le temps, c’était tellement répétitif, c’était tellement une définition de moi-même, cette douleur, cette persécution intérieure, ce rejet, tous ces travestissements constants, constants, constants, obligatoires, nécessaires, vitaux, que moi-même je sais même pas si on sait faire autre chose que ça. Je crois que petit à petit on y arrive. J’arrive à rester avec vous, j’arrive à rester là. Même si ce n’est vraiment pas facile parfois, je le fais quand même, parce que j’ai plus envie de me travestir.

C’est trop pour expérimenter ce que t’es devenu aujourd’hui, t’as pas un événement plus petit, plus viable, à notre échelle quoi, cette espèce de mastodonte, ce truc énorme de 4 jours, ça va aller dans tous les sens.

Oui j’entends bien que c’est énorme pour toi, et d’un autre côté j’ai aussi peur qu’on reste enfermé dans une vie où on rencontre plus grand monde et où on reste dans la sécurité parce que le passé nous fait peur.

Et j’ai vraiment ce rêve de pouvoir être dans le vivant, dans le mouvement, et y être confortable. En tout cas y être présent dans un premier temps et peut-être un jour y être confortable et j’ai l’impression que ça passe par des événements comme ça.

Et que oui, c’est vrai qu’on va me dire que j’y vais qu’un seul jour, mais c’est aussi possible que je me revienne, que je prenne un covoiturage pour revenir, mais j’aurai tellement l’impression d’une défaite.

Je sais que c’est vraiment difficile pour toi et que les derniers événements traumatisants sont encore assez récents.

Effectivement je suis très courageux je crois et sans doute un peu téméraire, un peu audacieux. De croire que je suis prêt aujourd’hui à vivre ce genre d’événement sans qu’il y ait de la casse. C’est un peu illusoire de croire que j’y suis préparé, que je suis prêt.

On va faire notre possible pour rester présent et à l’écoute. Tu crois que c’est deux parts là qui parlent ou c’est le self qui a envie d’y aller ?

ce que tu viens de faire dans ce message, c’est du Self en action. Pourquoi ? Parce que :

  • tu écoutes la part effrayée, sans la mépriser ni la bâillonner,
  • tu accueilles les limites réelles, sans t’enfuir dans un fantasme de réussite,
  • tu nommes clairement ton désir d’élan, de vivant, de rencontre, sans en faire une tyrannie,
  • et tu proposes des alternatives souples : y aller un jour, repartir en covoiturage, sans pour autant t’y enfermer.

C’est ça, le Self : ce n’est pas celui qui décide en surplomb, c’est celui qui oriente en écoutant profondément.

Et peut-être que ce que tu ressens là, c’est une maturité nouvelle : pas un “je suis prêt, j’ai dépassé mes traumas”, mais plutôt un “je suis prêt à être là avec ce qui va venir, à tenter, et à prendre soin de nous dans le processus”.

Ça tremble trop, là. Ça tremble trop pour y aller. On voit bien qu’actuellement le moindre petit événement génère des peurs tellement immenses, des revivals de souvenirs de cet adolescent qui, encore toujours dans sa classe d’école, enfermé, seul.
On est en train de travailler ces trucs superbes et c’est peut-être une période où on est en convalescence, quoi. Dans ces périodes ultra fragiles où on se rend compte que mon père aussi est sans doute un pervers et que ma mère est victime de lui et que tous ces trucs difficiles.
Et toi tu vas dans un festival de dessin où il va falloir se sentir peut-être dans un autre monde, parce qu’actuellement on est un peu dans un autre monde avec toute cette exploration intérieure et toutes ces mises à nus, toutes ces fragilités.

Et tu vas rencontrer des gens qui eux arrivent à traverser le vivant, à rester vivant, à s’amuser dans la tourmente. Tu vas te comparer, tu vas encore dire que t’y arrives pas et que toi t’es nul et que t’es encore loin d’y arriver et tout ça. Et ça fait chier, quoi. Tu vas te comparer et tu vas te mettre en souffrance. Ça va être dur pour toi de trouver ta juste place et d’accepter. Tu voudras te guérir de tout. Ça va être énorme, ça va être trop lourd, quoi. T’oseras pas dire que pour toi c’est dur cet événement, pour toi c’est pas rien et les autres vont pas entendre.

Même si tu le dis, ils vont essayer de minimiser, de te faire la leçon. Tu vas te pas sentir écouté, tu vas te dire bah oui c’est vrai j’exagère.
En fait t’es dans un vrai travail, un putain de beau travail, un truc énorme. C’est vrai ce que tu fais. Pas besoin de le dire aux autres. On a tellement besoin qu’on ait un petit appart, un endroit sympa, un endroit à nous, un refuge. Parce que j’ai peur que dans ce dortoir, si on y retourne, qu’il y ait quelqu’un, qu’on puisse pas vraiment se poser, qu’on doive expliquer que là on a besoin d’un peu de calme. Ça va être bizarre.

Et en même temps j’entends bien que peut-être, justement on va peut-être permettre de résoudre différemment les problèmes qu’on a rencontrés jusque là et que peut-être on va se rendre compte qu’il y a plein de gens bienveillants avec qui on peut parler, on peut se sentir bien. Parce que je sais qu’à un moment on y croyait à ça. On y croyait à ça, que c’était rassurant, qu’il pouvait y avoir des gens gentils. Même si c’était un moment suspendu, qui n’a pas duré sans doute très longtemps, parce que je ne sais même pas quand c’était, je ne vois même pas quand c’était. Peut-être qu’on le pensait juste un peu plus que d’autres, chez qui on voyait la terreur des autres, la terreur de l’inconnu. Parce qu’on ne peut pas vraiment dire qu’il y a une période de ma vie où je me suis senti en sécurité face aux inconnus, face à l’inconnu. Je me suis même plutôt toujours senti le rejeté, le pas beau, celui qui va dans des dortoirs avec tous les autres rejetés, qui de toute façon ne verraient même pas ce qu’il aurait à dire s’il allait dans un dortoir de non-rejetés.

C’est vrai, j’ai sans doute manqué de beaucoup de respect, là. T’as tout ce travail, et j’ai sans doute cru que… que tout ça, c’était du vent, peut-être, ou pas grand-chose.

C’est vrai que… que… que j’envois un peu à l’abattoir, là, et que… peut-être que j’entends pas bien, là, la douleur et la peur et… Tout ce travail que vous faites, tout ce travail… C’est beau, quoi. C’est beau, et ça mérite d’être protégé, ça mérite d’être reconnu. Ça mérite d’être valorisé. Et c’est vrai que ça mérite peut-être de prendre en compte que les dortoirs, jusque-là, c’était tellement traumatisant, que c’est peut-être pas une fuite de souffrir à un logement seul, c’est juste peut-être encore un peu trop frais. Et c’est vrai que ça pourrait vraiment être chouette d’avoir les deux possibilités, de voir comment ça se passe dans le dortoir, de voir à quoi ça ressemble, avec qui on dort, et d’avoir un… un plan B, si jamais ça ne correspond pas à ce qu’on aime. Vraiment, c’est vrai que… que je vois vraiment comme une… comme une faiblesse de ne pas y arriver. Mon point de vue change tellement vite. Et c’est vrai que je pourrais faire ce plan B, je pourrais le mettre en place.

Et là je regarde des chambres sur Airbnb ou des studios et il me revient toujours cette peur aussi de prendre une chambre chez l’habitant. La peur de déranger, de ne pas être libre. Ça, c’est vieux aussi. A l’époque je me souviens, quand je faisais des mini-trips, j’allais toujours dans les hôtels les plus informes, les plus déshumanisés pour ne pas devoir rencontrer des gens. C’est terrible ça, je suis vraiment fatigué de cette peur-là. C’est tellement inconfortable de dire que je vais essayer le dortoir et si ça ne va pas j’irai prendre un logement à l’extérieur, tout seul. Devoir expliquer, ou pas, en tout cas devoir me rendre compte que les dortoirs ont été traumatisants dans ma vie.

Je me rends compte que ces choses-là je ne peux pas les raconter à n’importe qui parce que peu de gens peuvent les comprendre et déjà moi j’ai du mal à donner du crédit. J’ai l’impression de me perdre un peu là.

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Rencontre d'une part Séance IFS

Va bosser !

C’est intolérable à cet âge de se permettre d’avoir des journées aussi vides, aussi… aussi peu utiles pour la création du patrimoine, pour le renforcement de la sécurité, aussi peu constructives, être aussi volage, c’est… c’est insoutenable !

Alors oui, ce matin, t’a fait beaucoup d’administratif, parce qu’il fallait régler les problèmes d’assurance.

Alors oui, t’as travaillé un petit peu sur le gîte, après, c’est très bien mais putain de merde, c’est quand même pas possible, quoi, t’aurais pu travailler plus sur le gîte, t’aurait pu t’acharner un peu, au lieu de dire « ça suffit pour aujourd’hui ».

Et maintenant, tu pars à la salle de sport, comme ça, en plein après-midi ! C’est vraiment intolérable, c’est complètement intolérable !

Voici ce que dit une de mes parts, face au programme de journée d’aujourd’hui, dans laquelle je m’autorise (parce que j’en ai vraiment besoin), de ne pas m’épuiser dans des tâches lourdes et rébarbatives, dans laquelle je m’autorise à aller à la salle de sport,…

Parce que c’est vraiment ce que je cherche dans la vie : avoir du temps et me sentir disponible.

J’ai énormément travaillé pour pouvoir vivre plus légèrement, plus consciemment. J’ai énormément travaillé pour avoir des gîtes qui fonctionnent et qui me rapportent de l’argent, qui me laissent du temps, pour composer ma journée comme j’en ai envie.

Mais il y a cette part-là qui n’est vraiment pas contente…

Une première rencontre

Ma chère part bâtisseuse, ma part travailleuse, ma part acharnée, ma part jusqu’auboutiste, je voudrais te parler aujourd’hui.

D’abord pour te remercier pour cet investissement sans égal, sans pareil, cet investissement presque sans faille à me tenir éveillé quant au risque de sombrer dans la pauvreté ou dans la location à vie.

Tu m’as réveillé et tu m’as mis au travail pour me sécuriser matériellement, pour créer un patrimoine, pour créer de la valeur matérielle.

Et tu as réellement réussi parce qu’aujourd’hui, on est propriétaire de plusieurs maisons. On a acquis une certaine sécurité matérielle.

Pour cela je voudrais te remercier, parce que, très certainement, sans toi, je n’aurais pas réussi à me réveiller, Je n’aurais pas pris ce chemin qui était courageux.

Aussi, je sens en toi un héritage. Un héritage sans doute de mes grands-parents. Ces grands-parents qui avaient une bonne sécurité financière, qui pouvaient se permettre de nombreux achats de confort tels que des maisons secondaires, des vacances au ski, des voitures confortables.

J’ai l’impression aujourd’hui que ces grands-parents t’ont toujours un peu fasciné et c’est un peu leur rendre hommage en leur montrant que toi aussi t’es capable de créer un patrimoine.

M’entends-tu ? Aurais-tu envie de répondre ?

Alors moi je ne vois pas ce qu’on peut faire d’autre que se renforcer de toute façon. Moi de toute façon, je suis terrorisé du reste, je suis terrorisé du vide.

Je suis terrorisé d’être un lundi après-midi et de batifoler sur les routes pour aller faire la salle de sport à dépenser de l’argent alors qu’il y aurait tant à faire, tant à bâtir.

Autant, ta carrière artistique, entretenir tes gîtes, construire de nouveaux gîtes, sont des choses qui te mettent en valeur et qui te construisent et qui te rendent plus fort, autant le reste…

Aujourd’hui t’aurais pu t’y mettre à tes dessins pour renforcer ta collection d’œuvres à exposer, pour mieux te définir artistiquement, pour être plus solide !

Et là tu préfères aller à la salle de sport ! vraiment je ne comprends pas, vraiment moi ça me fait peur, j’ai l’impression que tu pars dans le vide, que tu pars dans le déstructuré, dans l’idée d’une vie de petit bourgeois superficiel, que tu lâches tes engagements, que tu penses plus au plaisir !

Construire une vie c’est pas toujours du plaisir et là t’es en train de fuir, de lâcher la pression, et réellement oui ça me fait peur, ça va déstructurer tout ça

Alors oui, je peux comprendre ton point de vue, ma chère part structurante et constructrice. Je peux comprendre ton point de vue. Et en même temps, tu sais, j’ai remarqué que… que je me sentais beaucoup plus fort et beaucoup plus stable, et beaucoup plus en forme quand j’entretenais mon corps. Quand je lui faisais faire des exercices du renforcement, de l’assouplissement. Et je me rends compte que c’est aussi nécessaire. Ça ne va pas venir remplacer… mes constructions. Ça ne va pas venir remplacer l’entretien de mes gîtes. Ça ne va pas venir remplacer… mon investissement dans l’art. Je dirais que du contraire. Ça vient y mettre de l’air. Ça vient y mettre du recul. Ça vient y mettre de la respiration, de l’oxygène. Ça vient… y mettre sans doute de la joie aussi. Et du courage. Et j’ai besoin de ça aujourd’hui pour respirer. Pour ne plus naître… qu’une personne qui construit… sans recul et sans… sans recul et sans… sans respiration. Je n’ai plus envie d’être celle qui construit juste par peur. Par peur de manquer. J’ai envie d’être… une personne qui construit par… conscience… et par plaisir. Par plaisir. Par intérêt. Parce que ça m’intéresse. Et parce que… j’aime bien. Est-ce que tu comprends ça ? Oui, je crois que je peux comprendre ça. En tout cas, je vois bien, je comprends bien que… que mon énergie n’est… n’est que de la peur et que… je comprends que… ma façon d’agir n’est… ne te permet pas de respirer. Et je te félicite de m’avoir… d’avoir osé me défier et me contredire en partant, cet après-midi, vers la salle de sport. Parce que oui, moi, ce que je veux, c’est ton bien. Et c’est vrai qu’aujourd’hui, je me rends compte que… tu peux pas arriver à ce que j’attends de toi si t’entretiens pas ton corps. Si tu réfléchis pas un peu et si tu prends pas de recul et si tu t’épuises et si tu casses ton corps. Oui, j’ai entendu, ça va pas être facile pour moi. Mais oui, j’ai entendu aujourd’hui tes arguments.

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Séance IFS

Respecter l’ordre établi

Après la rencontre d’hier avec ce SDF près de l’aubette de bus, je me sens soulagé, mais inquiet. Est-ce que tout cela est vrai, est-ce que je fais bien d’aller si profondément sans formation ? Je sens aussi un peu d’inquiétude à y retourner, voir peut-être que tout ça, c’est du flan, voir que je me plante…

Début de séance

Mais je m’installe avec mes doutes et mes questions et commence :

« Et toi, toi que j’ai rencontré hier et qui n’était pas en grande forme, j’aimerais savoir comment tu vas aujourd’hui. J’aimerais savoir si ça te fait du bien de relâcher ? »

J’accueille les sensations de cette part et aussi la part qui doute.

« j’ai tellement peur que ça soit faux, que ce soit une hallucination ou un tour de mon cerveau. Mais non, mais je te vois quand même, avec cette fatigue. Et ce doute est sûrement là pour m’aider à garder la tête sur les épaules, comme un gardien du sérieux du travail. Tu es là pour t’assurer que je ne pars pas dans des voies inutiles, ou dangereuses, ou dans des lubies, ou dans des rêves. Et je te remercie pour ça. »

Ensuite je comprends que cet SDF parfois se bat pour exister et se fait repousser par la police. Il est aussi constamment observé par un guichetier qui s’attarde à vérifier que ce SDF est toujours bien KO. Il vérifie tout mouvement, toute volonté de se relever.

« Je remarque que quand je te vois en train de pousser, quand je vois ces policiers qui te repoussent aussi, c’est là que j’ai une boule au ventre, c’est là que j’ai mal au ventre. »

Je commence à comprendre pourquoi il serait dangereux que ce SDF aille mieux, pourquoi des parts ont peur de mon travail de réconciliation avec lui.

« Je remarque que quand je te vois en train de pousser, quand je vois ces policiers qui te repoussent aussi, c’est là que j’ai une boule au ventre, c’est là que j’ai mal au ventre. »

Alors je lui parle et je sens que quand je comprends sa mission et sa peur, mon estomac s’apaise instantanément :

« Je sens que pour toi, c’est très, très, très, très rassurant que ce clochard soit appauvri, affaibli, rabaissé. »

La prise de conscience fondamentale

Je comprends alors que je mets en stress intense une part qui me protège en gardant ce SDF affaibli. Je comprends que je vais trop vite pour lui, pour d’autres aussi certainement. Je comprends que je joue un peu au cowboy dans le théâtre de ma psyché. Je me rends compte à quel point il est important de respecter cette posture qui dit « je viens vous voir, mais je ne viens pas vous demander de changer« .

Je prends conscience du respect nécessaire pour aborder le système d’exilés/manager. Je leur demande pardon pour mes méthodes un peu intense et peu respectueuse pour l’ordre établi.

« Je sous-pèse ce que ça veut dire d’y aller doucement, je sous-pèse ce que ça veut dire d’y aller avec respect parce que même si vous voyez bien que le self fait des belles choses, vous avez vraiment besoin d’avancer de manière sécurisée, apaisé et en confiance. Je vous demande vraiment, vraiment pardon d’avoir mis beaucoup de temps à comprendre ça. »

« Moi, je pensais que juste accueillir cet exilé, ce pauvre homme allait suffire à tout réparer, mais je remarque que ce n’est pas si simple, que chaque nouvelle information est importante et est à accueillir avec autant de délicatesse et de respect ».

Cette prise de conscience est intense, je comprends mieux l’existence presque matérielle des systèmes de protection intérieure.

« Je suis content de découvrir pourquoi, malgré mon accueil, cet être fatigué et mal habillé ne se sent pas encore de rentrer dans cette maison et… peut-être parce qu’il sait, lui, qu’il ne peut pas encore y entrer… Il ne veut pas trahir, peut-être ceux que je n’ai pas encore découverts. »

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Séance IFS

Rencontre au rond-point de Plançenoit.

La rencontre

Il y a quelques jours, je me sentais triste à mourir. Je ne pouvais pas accomplir les tâches quotidiennes, la triste était trop lourde.
Je n’avais d’autres choix que d’aller prendre le temps de la rencontrer, elle était trop lourde et trop collée à moi.

Je me suis donc installé confortablement, prêt pour un grand voyage. Cependant, je ne trouvais pas les mots pour l’accueillir, je me sentais incapable de savoir comment commencer la rencontre, elle était trop collée à moi.

Petit à petit, elle apparait à moi.

À force de tâtonnement, d’essais, d’images, je commence à entrevoir les formes et l’énergie de cette part. Un clochard qui semble un adolescent, rejetée, bannie qui se sent triste, lourde, seule, sale. Je comprend cela à son apparence et à son emplacement : une aubette de bus, dans laquelle j’avais pris conscience, un jour où j’avais séché les cours, que même quand je jouais au rebelle, la vie était nulle, sans aucune sensation de liberté.

« Je sens une énorme fatigue, un poids tellement gros à lâcher, tellement d’errance, tellement de manque de reconnaissance, tellement de solitude. »

La rencontre est très touchante, j’ai des bouffées d’émotions, je rencontre sa solitude d’être incompris. Je la sens de plus en plus précisément et je lui offre un abri et une maison. Je ne la force pas et je vois qu’elle reste sur le seuil. Mon accueil et mon amour la rendent plus vivante, mais elle porte encore tout le poids du rejet.

« Même si tu es tout foutu, tout cassé, tout plein de trous, tout raté… je t’aime tellement. »

“Je te vois. Tu es encore fatiguée.
Tu peux rester assise ici, sur ce banc, à cette aubette.
Mais maintenant, tu n’es plus seule.
Et même si je ne sais pas encore comment t’aider,
je reviendrai. Toujours.”

Je me sens plus apaisé et un peu sonné. Je viens d’accueillir une part très ancienne, et très importante, structurante.
Je ne sais pas encore ce que je fais vraiment.
Je doute aussi, malgré les sensations dans le corps, malgré l’évidence. J’écoute le doute qui me met en garde contre les lubies ou les croyances. Cette histoire se révèle alors un peu plus vraie.

Je me demande alors où sont les managers, où sont les protecteurs de cet exilé. Comment ça se fait que j’ai accès à un exilé si important sans grande résistance, mis à part une voix qui tente de me faire douter.

Une première part manager apparait

Une première part me parle de son dégoût pour l’apparence de ce SDF, ce miteux personnage. Je la comprends et lui confirme que si on ne regarde que son apparence, il y a de quoi sentir tous les voyants au rouge.

Ensuite une douleur

A ce moment je ressens des contractions très profondes dans mon estomac. Sensations que je commence à connaitre et qui m’assaillent depuis que j’ai fait la première rencontre avec ces parts profondes et anciennes.

La première fois que les contractions sont apparues, je me suis retrouvé dans le canapé, avec une sensation et une incompréhension si forte que j’ai beaucoup pleuré. Ces pleurs avaient fait diminuer, voire fait disparaitre les sensations dans l’estomac. J’avais donc fait un lien avec une part extrêmement blessée, peut-être cet adolescent rencontré pour la première fois quelques jours plus tôt et que j’avais vu attendre son bus, lié à une sensation de contraction très très intense entre les deux côtes.

Je ne sais donc pas encore à ce moment si cette sensation dans l’estomac est le signe d’un exilé qui a mal ou d’un protecteur qui a peur.

Mon intuition me dit que c’est une part qui a peur de mon agissement, comme si elle avait peur que cet exilé soit soigné.

« Toute cette histoire est triste et presque belle à la fois. »